miércoles, 12 de octubre de 2011

Maurice Carême

Alphabet


A c'est l'âne agaçant l'agnelle,
B c'est le boulevard sans bout,
C la compote sans cannelle,
D le diable qui dort debout.

E c'est l'école, les élèves,
F le furet féru de grec,
G la grive grisant la grève,
H c'est la hache et l'homme avec.

I c'est l'ibis berçant son île,
J Le jardin sans jardinier,
K le képi du chef kabyle,
L le lièvre fou à lier.

M c'est le manteau bleu des mages,
N la neige bordant le nid,
O l'oranger pris dans l'orage,
P le pain léger de Paris.

Q c'est la quille sur le quai,
R la rapière d'or du roi,
S le serpent qui s'est masqué,
T la tour au-dessus des toits.

U c'est l'usine qui s'allume,
V le vol du vent dans la voile,
W le wattman de lune,
X le xylophone aux étoiles.

Y c'est les yeux doux du yack
Oublié dans le zodiaque,
Z le zigzag brusque du zèbre
Qui s'enfuit dans les ténèbres,

Malheureux parce qu'il est
Le dernier de l'alphabet.

Le hibou
 
Caillou, genou, chou, pou, joujou, bijou,
Répétait sans fin le petit hibou.
 
Joujou, bijou, pou, chou, caillou, genou,
Non, se disait-il, non, ce n'est pas tout.
 
Il y en a sept pourtant, sept en tout :
Bijou, caillou, pou, genou, chou, joujou.
 
Ce n'est ni bambou, ni clou, ni filou...
Quel est donc le septième ? Et le hibou,
 
La patte appuyée au creux de sa joue,
Se cachait de honte à l'ombre du houx.
 
Et il se désolait, si fatigué
Par tous ses devoirs de jeune écolier
 
Qu'il oubliait, en regardant le ciel
Entre les branches épaisses du houx,
 
Que son nom, oui, son propre nom, hibou,
Prenait, lui aussi, un X au pluriel.

J’aime ma mère


J’aime ma sœur

Pour ses yeux clairs,

J’aime mon frère

Pour sa candeur,

J’aime mon père

Pour sa douceur

Et je ne dois

Sûrement pas

Dire pourquoi

J’aime ma mère.

Je me demande

Même parfois

Si je ne l’aime

Pas plus que moi.

N’est-elle pas

La vraie lumière

Qui nous éclaire,

Ma sœur, mon frère,

Mon père et moi?


Pour mon père



Mon père aimé, mon père à moi,

Toi qui me fais bondir

Sur tes genoux

Comme un chamois,

Que pourrais-je te dire

Que tu ne sais déjà ?

Il fait si doux

Quand ton sourire

Eclaire tout

Sous notre toit.

Je me sens fort, je me sens roi,

Quand je marche à côté de toi.


L'ÉCOLIÈRE


Bon Dieu ! que de choses à faire!

Enlève tes souliers crottés,

Pends donc ton écharpe au vestiaire,

Lave tes mains pour le goûter,



Revois tes règles de grammaire.

Ton problème, est-il résolu ?

Et la carte de l'Angleterre,

Dis, quand la dessineras-tu ?



Aurai-je le temps de bercer

Un tout petit peu ma poupée,

De rêver, assise par terre,

Devant mes châteaux de nuées ?

Bon Dieu ! que de choses à faire






Notre école

Notre école se trouve au ciel.
Nous nous asseyons près des anges
Comme des oiseaux sur les branches.
Nos cahiers d’ailleurs ont des ailes.
 
A midi juste, l’on y mange,
Avec du vin de tourterelle,
Des gaufres glacées à l’orange.
Les assiettes sont en dentelle.
 
Pas de leçons, pas de devoirs.
Nous jouons quelquefois, le soir,
Au loto avec les étoiles.
 
Jamais nous ne rêvons la nuit
Dans notre petit lit de toile.
L’école est notre paradis.


LES LEÇONS

Le cours d'arithmétique
Plonge dans la panique
Robert et Dominique.

Les règles de grammaire
Donnent le mal de mer
A Jeanne, Paul et Pierre.

Le manuel d'histoire
Etonne, à n'y pas croire,
Marguerite et Grégoire.

Et la géographie
Emplit de nostalgie
Alexandre et Sylvie.

Luc rage quand il pense
Au dessin, et Constance
Craint la leçon de sciences.

Il n'y a que le sport
Qui les met tous d'accord.
Et encor!... dit Nestor

Qui aime se cacher
Pour lire, émerveillé,
Robinson Crusoé.



Le chat et le soleil

Le chat ouvrit les yeux,
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux,
Le soleil y resta.

Voilà pourquoi, le soir,
Quand le chat se réveille,
J'aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.


Mon petit chat 

 J'ai un petit chat ,
Petit comme ça.
Je l'appelle Orange.

Je ne sais pas pourquoi
Jamais il ne mange
Ni souris ni rat.

C'est un chat étrange
Aimant le nougat
Et le chocolat.

Mais c'est pour cela ,
Dit tante Solange ,
Qu'il ne grandit pas !


Deux petits éléphants

C'était deux petits éléphants,
Deux petits éléphants tout blancs.


Lorsqu'ils mangeaient de la tomate,
Ils devenaient tout écarlates.


Dégustaient-ils un peu d'oseille,
On les retrouvait vert bouteille.


Suçaient-ils une mirabelle,
Ils passaient au jaune de miel.


On leur donnait alors du lait :
Ils redevenaient d'un blanc tout frais.


Mais on les gava, près d'Angkor,
Pour le mariage d'un raja,


D'un grand sachet de poudre d'or.
Et ils brillèrent, ce jour-là,


D'un tel éclat que plus jamais,
Même en buvant des seaux de lait,


Ils ne redevinrent tout blancs,
Ces jolis petits éléphants.


Avez-vous vu?

Avez-vous vu le dromadaire
Dont les pieds ne touchent pas terre?

Avez-vous vu le léopard
Qui aime loger dans les gares?

Avez-vous vu le vieux lion
Qui joue si bien du violon?

Avez-vous vu le kangourou
Qui chante et n'a jamais le sou?

Avez-vous vu l'hippopotame
Qui minaude comme une femme?

Avez-vous vu le perroquet
Lançant très haut son bilboquet?

Avez-vous vu la poule au pot
Voler en rassemblant ses os?

Mais moi, m'avez-vous bien vu, moi,
Que personne jamais ne croit?


Trois escargots

J'ai rencontré trois escargots

Qui s'en allaient cartable au dos


Et dans le pré trois limaçons

Qui disaient par cœur leur leçon.


Puis dans un champ, quatre lézards

Qui écrivaient un long devoir.


Où peut se trouver leur école ?

Au milieu des avoines folles ?


Et leur maître est-il ce corbeau

Que je vois dessiner là-haut


De belles lettres au tableau ?


Pour dessiner un bonhomme


Deux petits ronds dans un grand rond.

Pour le nez, un trait droit et long.

Une courbe dessous, la bouche.

Et pour chaque oreille, une boucle.



Sous le beau rond, un autre rond

Plus grand encore et plus oblong.

On peut y mettre des boutons :

Quelques gros points y suffiront.



Deux traits vers le haut pour les bras

Grands ouverts en signe de joie,

Et puis deux jambes, dans le bas,

Qu’il puisse aller où il voudra.



Et voici un joli bonhomme

Rond et dodu comme une pomme

Qui rit d’être si vite né

Et de danser sur mon papier.



Muguet
Cloches naïves du muguet, Carillonnez ! car voici Mai !

Sous une averse de lumière,
Les arbres chantent au verger,
Et les graines du potager
Sortent en riant de la terre.

Carillonnez ! car voici Mai !
Cloches naïves du muguet !

Les yeux brillants, l'âme légère,
Les fillettes s'en vont au bois
Rejoindre les fées qui, déjà,
Dansent en rond sur la bruyère.

Carillonnez ! car voici Mai !
Cloches naïves du muguet !


LIENS

Ce site rend hommage au grand poète belge Maurice Carême. Sa vie, son ouvre, sa personnalité sont ici éclairées.

Sa biographie 

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