Alphabet
A c'est l'âne agaçant l'agnelle,
B c'est le boulevard sans bout,
C la compote sans cannelle,
D le diable qui dort debout.
E c'est l'école, les élèves,
F le furet féru de grec,
G la grive grisant la grève,
H c'est la hache et l'homme avec.
I c'est l'ibis berçant son île,
J Le jardin sans jardinier,
K le képi du chef kabyle,
L le lièvre fou à lier.
M c'est le manteau bleu des mages,
N la neige bordant le nid,
O l'oranger pris dans l'orage,
P le pain léger de Paris.
Q c'est la quille sur le quai,
R la rapière d'or du roi,
S le serpent qui s'est masqué,
T la tour au-dessus des toits.
U c'est l'usine qui s'allume,
V le vol du vent dans la voile,
W le wattman de lune,
X le xylophone aux étoiles.
Y c'est les yeux doux du yack
Oublié dans le zodiaque,
Z le zigzag brusque du zèbre
Qui s'enfuit dans les ténèbres,
Malheureux parce qu'il est
Le dernier de l'alphabet.
Le hibou
Caillou, genou, chou, pou, joujou, bijou,
Répétait sans fin le petit hibou.
Joujou, bijou, pou, chou, caillou, genou,
Non, se disait-il, non, ce n'est pas tout.
Il y en a sept pourtant, sept en tout :
Bijou, caillou, pou, genou, chou, joujou.
Ce n'est ni bambou, ni clou, ni filou...
Quel est donc le septième ? Et le hibou,
La patte appuyée au creux de sa joue,
Se cachait de honte à l'ombre du houx.
Et il se désolait, si fatigué
Par tous ses devoirs de jeune écolier
Qu'il oubliait, en regardant le ciel
Entre les branches épaisses du houx,
Que son nom, oui, son propre nom, hibou,
Prenait, lui aussi, un X au pluriel.
J’aime ma mère
J’aime ma sœur
Pour ses yeux clairs,
J’aime mon frère
Pour sa candeur,
J’aime mon père
Pour sa douceur
Et je ne dois
Sûrement pas
Dire pourquoi
J’aime ma mère.
Je me demande
Même parfois
Si je ne l’aime
Pas plus que moi.
N’est-elle pas
La vraie lumière
Qui nous éclaire,
Ma sœur, mon frère,
Mon père et moi?
Pour mon père
Mon père aimé, mon père à moi,
Toi qui me fais bondir
Sur tes genoux
Comme un chamois,
Que pourrais-je te dire
Que tu ne sais déjà ?
Il fait si doux
Quand ton sourire
Eclaire tout
Sous notre toit.
Je me sens fort, je me sens roi,
Quand je marche à côté de toi.
L'ÉCOLIÈRE
Bon Dieu ! que de choses à faire!
Enlève tes souliers crottés,
Pends donc ton écharpe au vestiaire,
Lave tes mains pour le goûter,
Revois tes règles de grammaire.
Ton problème, est-il résolu ?
Et la carte de l'Angleterre,
Dis, quand la dessineras-tu ?
Aurai-je le temps de bercer
Un tout petit peu ma poupée,
De rêver, assise par terre,
Devant mes châteaux de nuées ?
Bon Dieu ! que de choses à faire
Notre école
Notre école se trouve au ciel.
Nous nous asseyons près des anges
Comme des oiseaux sur les branches.
Nos cahiers d’ailleurs ont des ailes.
A midi juste, l’on y mange,
Avec du vin de tourterelle,
Des gaufres glacées à l’orange.
Les assiettes sont en dentelle.
Pas de leçons, pas de devoirs.
Nous jouons quelquefois, le soir,
Au loto avec les étoiles.
Jamais nous ne rêvons la nuit
Dans notre petit lit de toile.
L’école est notre paradis.
LES LEÇONS
Le cours d'arithmétique
Plonge dans la panique
Robert et Dominique.
Les règles de grammaire
Donnent le mal de mer
A Jeanne, Paul et Pierre.
Le manuel d'histoire
Etonne, à n'y pas croire,
Marguerite et Grégoire.
Et la géographie
Emplit de nostalgie
Alexandre et Sylvie.
Luc rage quand il pense
Au dessin, et Constance
Craint la leçon de sciences.
Il n'y a que le sport
Qui les met tous d'accord.
Et encor!... dit Nestor
Qui aime se cacher
Pour lire, émerveillé,
Robinson Crusoé.
Le chat et le soleil
Le chat ouvrit les yeux,
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux,
Le soleil y resta.
Voilà pourquoi, le soir,
Quand le chat se réveille,
J'aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.
Mon petit chat
Petit comme ça.
Je l'appelle Orange.
Je ne sais pas pourquoi
Jamais il ne mange
Ni souris ni rat.
C'est un chat étrange
Aimant le nougat
Et le chocolat.
Mais c'est pour cela ,
Dit tante Solange ,
Qu'il ne grandit pas !
Deux petits éléphants
C'était deux petits éléphants,
Deux petits éléphants tout blancs.
Lorsqu'ils mangeaient de la tomate,
Ils devenaient tout écarlates.
Dégustaient-ils un peu d'oseille,
On les retrouvait vert bouteille.
Suçaient-ils une mirabelle,
Ils passaient au jaune de miel.
On leur donnait alors du lait :
Ils redevenaient d'un blanc tout frais.
Mais on les gava, près d'Angkor,
Pour le mariage d'un raja,
D'un grand sachet de poudre d'or.
Et ils brillèrent, ce jour-là,
D'un tel éclat que plus jamais,
Même en buvant des seaux de lait,
Ils ne redevinrent tout blancs,
Ces jolis petits éléphants.
Avez-vous vu?
Avez-vous vu le dromadaire
Dont les pieds ne touchent pas terre?
Avez-vous vu le léopard
Qui aime loger dans les gares?
Avez-vous vu le vieux lion
Qui joue si bien du violon?
Avez-vous vu le kangourou
Qui chante et n'a jamais le sou?
Avez-vous vu l'hippopotame
Qui minaude comme une femme?
Avez-vous vu le perroquet
Lançant très haut son bilboquet?
Avez-vous vu la poule au pot
Voler en rassemblant ses os?
Mais moi, m'avez-vous bien vu, moi,
Que personne jamais ne croit?
Trois escargots
J'ai rencontré trois escargots
Qui s'en allaient cartable au dos
Et dans le pré trois limaçons
Qui disaient par cœur leur leçon.
Puis dans un champ, quatre lézards
Qui écrivaient un long devoir.
Où peut se trouver leur école ?
Au milieu des avoines folles ?
Et leur maître est-il ce corbeau
Que je vois dessiner là-haut
De belles lettres au tableau ?
Pour dessiner un bonhomme
Deux petits ronds dans un grand rond.
Pour le nez, un trait droit et long.
Une courbe dessous, la bouche.
Et pour chaque oreille, une boucle.
Sous le beau rond, un autre rond
Plus grand encore et plus oblong.
On peut y mettre des boutons :
Quelques gros points y suffiront.
Deux traits vers le haut pour les bras
Grands ouverts en signe de joie,
Et puis deux jambes, dans le bas,
Qu’il puisse aller où il voudra.
Et voici un joli bonhomme
Rond et dodu comme une pomme
Qui rit d’être si vite né
Et de danser sur mon papier.
MuguetCloches naïves du muguet, Carillonnez ! car voici Mai !
Sous une averse de lumière,
Les arbres chantent au verger,
Et les graines du potager
Sortent en riant de la terre.
Carillonnez ! car voici Mai !
Cloches naïves du muguet !
Les yeux brillants, l'âme légère,
Les fillettes s'en vont au bois
Rejoindre les fées qui, déjà,
Dansent en rond sur la bruyère.
Carillonnez ! car voici Mai !
Cloches naïves du muguet !
LIENS
Ce site rend hommage au grand poète belge Maurice Carême. Sa vie, son ouvre
Sa biographie
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